Le comité « Navigation » de l’Agence spatiale européenne (ESA), dont fait partie la Suisse, s’est réuni à Neuchâtel au printemps 2023. Enchanté par sa visite, le comité a souhaité offrir à la ville deux répliques d’horloges atomiques "made in Neuchâtel" pour équiper les satellites Galileo. Le Conseil communal a saisi l’occasion de ce cadeau pour réaménager la Salle des pas perdus de l’Hôtel de Ville, qui abritait déjà l'horloge Hipp du XIXe siècle et l'horloge innovante Isospring de l'EPFL. L'horloge Houriet, qui a plus de 200 ans, a également été déplacée à l'intérieur de l'Hôtel de Ville pour rejoindre cet espace d'exposition ouvert par intermittence au public. Cet espace remodelé témoigne de la tradition d’excellence, de recherche et d’innovation en ville de Neuchâtel. La Salle des pas perdus a donc désormais son petit nom: la Salle des horloges!
Cet espace a été inauguré officiellement le 12 mars 2024 en présence du conseiller fédéral Guy Parmelin, du directeur de la Navigation de l’ESA, Francisco-Javier Benedicto Ruiz, du conseiller d’Etat Alain Ribaux et du Conseil communal réuni in corpore.
Vous pouvez accéder à ce lieu un lundi soir par mois lors des séances du Conseil général.
La pendule de règle construite par Louis Yersin sous la direction du Loclois Jacques-Frédéric Houriet reste, 220 ans après sa conception, un trésor d’ingéniosité et de technique. L’une des innovations majeures appliquée sur cette horloge réside dans l’adjonction d’un mécanisme destiné à compenser les effets des variations de la température ambiante sur les oscillations du pendule en se servant d’un alliage se basant sur le coefficient de dilation de différents métaux, qui améliore la précision de l’horloge. Une fois bien réglé, le régulateur ne devait pas varier de plus de cinq secondes par année ce qui, aujourd’hui encore, constitue une véritable prouesse. La marche du régulateur était régulièrement vérifiée par une lunette astronomique disposée à l’Hôtel de Ville. L’installation de la pendule de règle en 1804-1805 à l’Hôtel de Ville répondait à une commande des quatre Ministraux – l’un des pouvoirs exécutifs de la Ville – avec pour but de donner l’heure officielle à la ville de Neuchâtel. Jusque-là, il fallait se contenter de l’heure fournie par des cadrans solaires ou des gnomons. Jacques Frédéric Houriet (1743-1830) est une figure de l’horlogerie neuchâteloise, qui a marqué son temps par ses recherches sur la mécanique de précision. Ses inventions et la perfection de ses chronomètres ont été récompensées, notamment par une médaille d'or de la Société d'émulation patriotique de Neuchâtel.
Références :
Jacques-Frédéric Houriet in le Dictionnaire historique de la Suisse :
https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/041288/2008-04-29/
J. Gressot, « Les instruments de la détermination de l’heure à Neuchâtel », in L'Observatoire cantonal de Neuchâtel et la mesure du temps (1858-1960) : instruments scientifiques, acteurs et espaces savants, Thèse de doctorat à l’Université de Neuchâtel, Neuchâtel, pp. 65-68.
J.-C. Sabrier, « Pendule de règle destiné pour l'Hôtel de Ville de Neuchâtel », in Jacques-Frédéric Houriet : 1743-1830, Chézard-Saint-Martin : Ed. de la Chatière, 2006, pp. 126-137.
Ingénieur horloger d’origine allemande, Matthias Hipp (1813-1893) a conçu et construit de A à Z cette horloge électrique révolutionnaire. Celle-ci a permis aux Neuchâtelois-es, à partir du 30 mars 1876, de connaître l’heure exacte sans devoir se déplacer. Il fallait en effet jusqu’ici se rendre dans cette salle de l’Hôtel de Ville pour régler sa montre. Grâce à ce nouveau régulateur ou « horloge-mère » reliée à l’Observatoire, il devient possible de commander l’heure à toute une série d’horloges secondaires réparties en ville – on en comptera 275 en 1924 – faisant de Neuchâtel une cité moderne et connectée au monde. Fondateur d’une fabrique de télégraphes et d’appareils électriques qui deviendra la Favag (et située à l'origine dans le bâtiment connu sous le nom de Caves du Palais), cet inventeur en série surnommé l’« Edison suisse » a réalisé de nombreuses innovations dans les domaines de l’horlogerie, de la mesure du temps et de la télégraphie et toutes sortes d’objets comme un chronoscope, un chronographe, une pendule à pression constante, gyroscope électrique, microphone, anémomètre, avertisseur d’incendie ou encore un enregistreur de vitesse des trains.
Références :
Matthias Hipp in le Dictionnaire historique de la Suisse : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/030302/2006-03-29/
J.-P. Jelmini, « L’Horloge de l’Hôtel de Ville de Neuchâtel », in Chronometrophilia, No. 16, 1982, pp. 72-82.
Au sommet de cette horloge rappelant la pendule neuchâteloise traditionnelle, se trouve un oscillateur résolument novateur qui bouleverse les fondamentaux de la mécanique horlogère : cette base de temps mécanique à deux degrés de liberté nommée « IsoSpring » ne mesure plus le temps par un mouvement alterné, comme celui des habituels pendules à balancier spiral, mais par un mouvement continu unidirectionnel, similaire à celui d’une planète qui orbite autour de son étoile. Il en résulte que cette horloge est dénuée d’échappement, que son aiguille des secondes avance sans interruption et qu’elle ne produit plus le « tic-tac » caractéristique des mouvements mécaniques.
Inventée en 2014 par l’Instant-Lab (http://instantlab.epfl.ch) de l’EPFL à Neuchâtel, sous la direction du Prof. Simon Henein, cette horloge laisse envisager des garde-temps mécaniques plus simples à réaliser et aux performances inégalées en termes de précision chronométrique et de réserve de marche, c’est-à-dire nécessitant des mises à l’heure et des remontages moins fréquents. Prêtée à la Ville de Neuchâtel, l’horloge IsoSpring est propriété de l’EPFL.
Références :
S. Henein and I. Vardi, “Une horloge mécanique sans tic-tac,” Pour La Science, No. 474, 48-54, Avril 2017. https://infoscience.epfl.ch/record/229225?ln=en
L. Rubbert, R. A. Bitterli, N. Ferrier, S. K. Fifanski, I. Vardi and S. Henein, “Isotropic springs based on parallel flexure stages,” Precision Engineering, vol. 43, pp. 132-145, 2016. https://infoscience.epfl.ch/record/210992?ln=en
I. Vardi, L. Rubbert, R. Bitterli, N. Ferrier, M. Kahrobaiyan, B. Nussbaumer and S. Henein, “Theory and design of spherical oscillator mechanisms,” Precision Engineering, vol. 51, pp. 499-513, 2018. https://infoscience.epfl.ch/record/231872?ln=en
L.-A. Pessina, « L’horloge mécanique du XXIe siècle exposée à Neuchâtel », EPFL, 08.12.2016, https://actu.epfl.ch/news/l-horloge-mecanique-du-xxie-siecle-exposee-a-neuch/ (consulté le 01.02.2024).
Ville de Neuchâtel, EPFL, « L’horloge IsoSpring, au mécanisme révolutionnaire, mise en valeur à l’Hôtel de Ville », Ville de Neuchâtel, 08.12.2016, www.neuchatelville.ch/fileadmin/sites/ne_ville/fichiers/presse/communiques_presse/imported/2016/Comm_20horloge_20IsoSpring.pdf (consulté le 01.02.2024).
Photo
Crédit : Catherine Leutenegger
Légende : Horloge IsoSpring avec oscillateur sphérique (Instant-Lab – EPFL)
Le satellite de géolocalisation Galileo est équipé de la technologie d'horloge la plus avancée et la plus précise jamais utilisée. Il possède deux types d'horloges : des étalons de fréquence atomique au rubidium et des masers passifs à hydrogène. La stabilité de l'horloge au rubidium est telle qu'elle ne perd que trois secondes en un million d'années, tandis que le maser passif à hydrogène est encore plus stable, ne perdant qu'une seconde en trois millions d'années. Cette précision est nécessaire car une erreur de seulement quelques "nanosecondes" - milliardièmes de seconde - produirait une erreur de positionnement de plusieurs mètres.
Une horloge atomique fonctionne comme une horloge classique. Au lieu d'un pendule oscillant, elle utilise les propriétés des atomes qui passent d'un état énergétique à l'autre. La lumière induite, le laser ou l'énergie du maser peuvent forcer un atome à passer d'un état énergétique à un autre, en émettant un signal micro-ondes à une fréquence extrêmement stable.
Le maser à hydrogène passif est l'horloge maîtresse des satellites Galileo. Elle mesure le temps avec une précision de 0,45 nanoseconde sur 12 heures. L'horloge au rubidium est technologiquement indépendante, avec une précision de 1,8 nanoseconde sur 12 heures. Chaque satellite transporte quatre horloges, deux de chaque type.
Références :
P. Rochat, F. Droz, Q. Wang and S. Froidevaux, « Atomic Clocks and Timing Systems in Global Navigation Satellite Systems », Safran, https://safran-navigation-timing.com/document/atomic-clocks-and-timing-systems-in-global-navigation-satellite-systems/ (consulté le 01.02.2024).
Pascal, « SpectraTime’s atomic clocks in Galileo », Bilan, 04.07.2011, https://www.bilan.ch/techno/spectratime_s_atomic_clocks_in_galileo (consulté le 01.02.2024).
The European Space Agency, « Galileo’s clocks », The European Space Agency, https://www.esa.int/Applications/Navigation/Galileo/Galileo_s_clocks (consulté le 01.02.2024).
Né en 1746 à Fontaines dans le Val-de-Ruz, Samuel Roy est l’un des pionniers de l’horlogerie de précision, bien que méconnu du grand public aujourd’hui. Il s’associe à ses trois fils pour fonder à La Chaux-de-Fonds la maison Samuel Roy & fils, atelier fort apprécié à l’époque, comme en témoigne la commande de cette horloge par les Autorités neuchâteloises. Garde-temps à deux faces, l’une donnant dans la Salle du Conseil général et l’autre sur le vestibule, l’horloge devait être régulièrement remontée à l’aide d’une échelle. Le mouvement mécanique fut remplacé au XXe siècle par une horloge électrique qui entraine depuis lors les aiguilles. Le mécanisme d’origine s’est perdu malgré les recherches menées lors de la restauration de l’Hôtel de Ville de 2015 à 2017.
Références :
Samuel Roy in le Dictionnaire historique de la Suisse : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/046261/2010-02-16/
J.-M. Piguet, « La vie de Samuel Roy », in Chronometrophilia, No. 19, 1985, pp. 17.
J.-P. Chollet, « Samuel Roy », in Chronometrophilia, No. 21, 1986, pp. 18-19.