Elles s’appelaient Cécile Cellier, Lina Bachmann, Marguerite Evard, Anna Cellerini dalle Vedove ou encore Hélène Dubied-Chollet. Elles ont été politiciennes, artistes, militantes ou écrivaines, ouvrières migrantes, paysannes. Leur point commun : vivre ou survivre en tant que femme dans un monde fait par des hommes, pour les hommes. Certaines ont marqué leur génération par leur talent et leur détermination ; d’autres sont restées dans l’ombre de leur mari. Mais pour la plupart, elles n’ont laissé qu’une maigre trace, voire aucune, pour la postérité. La Ville de Neuchâtel a décidé d'y remédier en confiant à l'Institut d'histoire de l'Université de Neuchâtel la tâche de retrouver 50 noms et d'écrire l'histoire de ces femmes oubliées. Ces cinquante notices biographiques, supervisées par un comité scientifique, sont accessibles dans le fichier à télécharger ci-dessous, avec des références bibliographiques et un avant-propos. Vous les trouverez également ci-dessous au fur et à mesure des parutions dans le journal N+, avec un portrait original signé de l'illustratrice Agathe Borin.
Tilo Frey nait à Maroua, au Cameroun, en 1923, d’un père suisse et d’une mère peule. Ingénieur, Paul Frey travaille au Cameroun au début des années 1920, un pays alors placé sous mandat français. Père et fille s’installent dans le canton de Neuchâtel quand elle a cinq ans. Elle ne reverra sa mère que cinquante ans plus tard, lors d’un voyage. Elle vit d’abord à La Chaux-de-Fonds, puis à Bienne et à Neuchâtel, où elle étudie à l’Ecole normale cantonale, puis à l’Ecole supérieure de commerce. Après un diplôme de professeure de sténographie, elle enseigne de 1943 à 1971 dans cette même école. Dans les années 1960, elle mène une carrière politique chez les radicaux, siège au Conseil général de la Ville de Neuchâtel (1964-1974) qu’elle préside en 1970, ainsi qu’au Grand Conseil (1969-1973). En 1971, lorsque les Suissesses obtiennent le droit de vote et d’éligibilité au niveau fédéral, Tilo Frey compte parmi les onze premières femmes élues au Parlement fédéral. Elle est aussi la première afro-descendante à y siéger.
En 2018, la Ville de Neuchâtel décide de rebaptiser l’espace Louis Agassiz de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel en l’espace Tilo Frey. Aussi, elle est une des premières femmes à se voir attribuer un nom de place ou de rue en ville de Neuchâtel. En outre, le 12 septembre 2023, le tympan du Palais fédéral est inauguré et dévoile une mosaïque du nom de Tilo.
Sources
FAN, 6 juillet 1970.
FAN, 15 octobre 1971.
Le Temps, 7 septembre 2018.
Sur elle (sélection)
Dos Santos Pinto, Jovita, « Oui, c’est un long chemin ». Tilo Frey, erste Schwarze Nationalrätin. Eine Spurensuche in Schweizer Medien (1970-2011), Mémoire de master, Université de Zurich, 2014.
Jeannin-Jaquet, Isabelle, « Frey, Tilo », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 15.10.2021. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/006042/2021-10-15/. Consulté le 18.01.2024.
Du XVe au milieu du XVIIe siècle, la chasse aux sorcières sévit en Suisse, visant principalement les femmes. Ces dernières, souvent marginalisées pour des motifs variés comme un habillement non conventionnel ou des relations sexuelles hors mariage, sont accusées de sorcellerie. Sous la torture, beaucoup d’entre elles sont contraintes d’« avouer » des pactes diaboliques. Dans le Comté, environ 330 femmes sont ainsi condamnées. Marie Junet, née vers 1599 dans une famille modeste, est la dernière « sorcière » à être brûlée dans le canton de Neuchâtel. À 68 ans, elle est accusée de sorcellerie et condamnée à une exécution atroce : « être pincée en deux endroits de son corps avec des tenailles ardentes et ensuite jetée sur un bûcher, vive ». Le 12 mai 1667 à Valangin, le bourreau l’emmène pour son exécution. Elle obtient la « faveur » d’être d’abord étranglée avant que son corps ne soit brûlé et réduit en cendres. Ces dernières sont dispersées, symbolisant la fin tragique de sa vie. L’exécution de Marie Junet marque la fin des chasses aux sorcières dans le canton. Son histoire, emblématique des persécutions de l’époque, témoigne des préjugés et de la violence à l’encontre des femmes, injustement ciblées et accusées de sorcellerie.
Sources
Manuel du Conseil d’État, Archives de l’État de Neuchâtel.
L’Impartial, 14 mars 1934.
Sur elle (sélection)
Monter, E. William, Witchcraft in France and Switzerland, The Borderlands during the Reformation, Londres : Cornell University Press, 1976.
Agota Kristof, écrivaine, nait en Hongrie au milieu des années 1930. Comme beaucoup de ses compatriotes, elle fuit son pays au moment de l’invasion des troupes soviétiques en 1956. Avec son mari et son premier enfant âgé de quelques mois, elle traverse l’Europe de l’Est avant d’arriver en Suisse. La famille s’établit à Neuchâtel. Agota Kristof travaille d’abord dans une usine d’horlogerie, une expérience dure et harassante, dont elle se souviendra comme une vie au « bagne ». Elle apprend progressivement sa future langue d’adoption et d’écriture, le français, et obtient une bourse de l’Université de Neuchâtel, qui lui délivre le diplôme du séminaire de français. Elle connaît le succès littéraire avec son premier roman Le Grand cahier, premier tome de la Trilogie des jumeaux, qui sera traduit dans une trentaine de langues. Il est suivi par La Preuve et Le Troisième mensonge. Son œuvre, marquée par un style franc et sans compromis, lui vaut une reconnaissance internationale qui se matérialise par une série de prix littéraires, dont le Prix Schiller, le Ruban de la Francophonie ou encore le Prix de l’Etat autrichien pour la littérature européenne. Les relations de force et de violence ainsi que le déracinement – y compris sur le plan linguistique – constituent les thèmes principaux de son œuvre littéraire. Sa vie s’achève en 2011 à Neuchâtel.
Fonds d’archives :
Fonds Agota Kristof, Archives littéraires suisses.
Sur elle (sélection)
De Balsi, Sara, Agota Kristof écrivaine translingue, Saint-Denis : Presses Universitaires de Vincennes, 2019.
Robert, Tiphaine, Des migrants et des revenants : une histoire des réfugiées et réfugiés hongrois en Suisse (1956-1963), Neuchâtel : Alphil, 2021.
Installée à Paris depuis les années 1930, Anne-Françoise Perret-Gentil-dit-Maillard est témoin de l'invasion de la capitale par les troupes allemandes en 1940. Elle décide très tôt de s’engager dans la Résistance à travers la France libre, mouvement qui rallie sous les ordres de Charles de Gaulle les volontaires dans la lutte contre l’Occupation. La Neuchâteloise est chargée de diverses missions dans la capitale, à Vichy et à Lyon. Quand elle découvre les activités pro-allemandes d’un de ses frères également installé à Paris, elle commence à récolter à travers lui des informations décisives pour la Résistance et permet ainsi à des victimes des persécutions antisémites et politiques d'échapper aux arrestations. En août 1944, son frère l’attire dans un piège. Arrêtée par la Gestapo à Paris, elle est déportée au camp de Ravensbrück. En octobre 1944, lors de son transfert entre deux camps, elle réussit à s’échapper et à parcourir à pied 75 kilomètres jusqu’à Berlin, où elle obtient, après de longues et périlleuses démarches, un passeport qui lui permet de rentrer en Suisse. Elle s’empresse de retourner en France en avril 1945. En 1949, elle prend la défense de son frère, condamné à mort. Il est gracié, malgré ses crimes, « en considération de l’attitude courageuse de sa sœur en faveur de la Résistance pendant la guerre ». En revanche, la Suisse rejette la demande d’indemnisation d’Anne-Françoise Perret-Gentil-dit-Maillard comme victime du national-socialisme.
Sources
Fonds des victimes suisses des persécutions national-socialistes, Archives fédérales suisses.
Archives de la famille Perret.
Archiv für Zeitgeschichte ETH Zürich: FD KZ-Häftlinge.
Sur elle
Spörri, Balz ; Staubli, René et Tuchschmid, Benno, Les victimes oubliées du IIIe Reich – Les déportés suisses dans les camps nazis, Neuchâtel : Alphil, 2021, pp. 277-289 et p. 368.
Sculptrice et peintre, Jeanne Lombard est une des rares femmes en Suisse à avoir atteint une renommée dans le monde de l’art au XIXe et au début du XXe siècles. Née au Grand-Saconnex (GE) en 1865 et fille d’un pasteur français elle a huit ans, quand la famille s’installe dans le canton de Neuchâtel, après plusieurs années passées dans le sud de la France. Sa formation artistique débute en 1879 à Auvernier dans l’atelier du sculpteur-médailleur Fritz-Ulysse Landry, puis à Neuchâtel dans l’atelier de Gustave Jeanneret. Elle se forme ensuite auprès d’un peintre portraitiste à Lyon dans l’atelier de Jean-Louis Loubet puis à Paris, notamment à l’académie Julian. De retour en Suisse, Jeanne Lombard développe une activité de peintre d’histoire, à une époque où les femmes artistes s’expriment surtout dans des genres perçus comme mineurs. Le protestantisme et la persécution des Huguenots en France inspirent sa production. Cette thématique la conduit dans le sud de la France pour des recherches historiques. La jeune femme s’approprie également l’art du portrait avec beaucoup d'habileté. Son talent est indéniable et elle est reconnue pour ses représentations réalistes. Résidant à partir de 1900 à Boudry, puis à Corcelles, Jeanne Lombard commence aussi plusieurs activités philanthropiques : elle s’investit dans le Comité de l’espoir contre l’alcoolisme et s’engage en faveur des détenues. En 1908, elle devient membre fondateur de la section neuchâteloise de la Société suisse des femmes peintres et sculpteurs, dont elle assure le secrétariat de 1909 à 1933. Cette association milite pour la reconnaissance des femmes artistes, qui sont peu connues du public. Elle les représente, car les femmes artistes sont exclues de la Société suisse des peintres et sculpteurs, ceci jusqu’en 1973. En 2008, le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel, qui conserve depuis 1893 des peintures de Jeanne Lombard, lui consacre une exposition. Une partie de l’œuvre de l’artiste se trouve également au Musée du Désert à Mialet en France.
Sur elle (sélection)
Dollée, Joël, Jeanne Lombard (1865-1945) et les artistes neuchâteloises : 1908-2008, Hauterive : G. Attinger, 2008.
Quellet-Soguel, Nicole, « Jeanne Lombard, artiste (1865-1945) », in : Schlup, Michel (dir.), Biographies neuchâteloises, T. 4, 1900-1950, Hauterive : G. Attinger, 2005, pp. 191-196.
Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel, Jeanne Lombard (1865-1945) et les artistes neuchâteloises 1908-2008. Catalogue d’exposition, Hauterive : G. Attinger, 2008.
Dès les années 1860, deux tiers des personnes qui travaillent à la fabrique Suchard sont des femmes. Au début seulement quelques dizaines, elles sont en 1904, 800 ouvrières pour 400 ouvriers. Après 1945, elles viennent souvent d’Italie. Elles travaillent surtout dans l’emballage et le pliage, ainsi que dans les ateliers du triage des fèves, de la confiserie et du démoulage. Leurs salaires sont plus bas que ceux des hommes. Elles doivent souvent travailler debout et à la chaîne. La direction développe un système paternaliste et dès 1885, elle diffuse un livre réédité à plusieurs reprises : Le bonheur domestique. Conseils aux femmes sur la conduite de leur ménage. Il préconise la propreté, l’ordre, l’économie, la discrétion et le respect de l’autorité. Les prestations sociales visent à renforcer et à stabiliser « la grande famille Suchard ». Une crèche est ouverte en 1972. Travailler chez Suchard signifie pour ces femmes une certaine indépendance, mais au prix d’une double journée de travail dans une société où la gestion du foyer est encore exclusivement du domaine de la femme.
Sur elles (sélection)
Huguenin, Régis, « Voir le travail. Les photographies d’ouvriers/ères de l’entreprise Suchard de Neuchâtel-Serrières », in : Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, 22, 2006, pp. 75-94.
Lafontant Vallotton, Chantal, « Sans les femmes, pas de Suchard ni de succès », in : Piguet, Claire (dir.), Un parfum de chocolat : sur les traces de Suchard à Neuchâtel, Neuchâtel : Livreo-Alphil, 2022, pp. 86-91, cf. aussi pp. 79-85, pp. 121-123, p. 176 et p. 218.
Pellegrini, Irene ; Ricciardi, Toni et Cattacin, Sandro, Suchard : un colosso dalle mani migranti : storie di donne italiane nella cioccolata, Todi : Tau Editrice, 2019.
Ricciardi, Toni et Cattacin, Sandro, « Italienne et ouvrière chez Suchard : une histoire sociale », in : Revue historique neuchâteloise 2020, n° 3-4, pp. 129-144.
Schmid, Olivier, « ‘Une fabrique modèle’ : paternalisme et attitudes ouvrières dans une entreprise neuchâteloise de chocolat : Suchard (1870-1930) », in : Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier 15, 1999, pp. 51-69.
Voegtli, Michaël, Entre paternalisme et Etat social : le cas de la fabrique de chocolat Suchard (1870-1940), Université de Lausanne : Département de science politique, 2004.
Sophie Piccard est née à Saint-Pétersbourg le 27 septembre 1904. Vaudois émigré en Russie, son père y rencontre Eulalie Güé qu’il épouse en 1897. Le couple fait partie de l’intelligentsia. Son père devient professeur à l’Université de Smolensk en 1921. La révolution bolchevique de 1917 a des conséquences dramatiques : un frère et une sœur de Sophie Piccard décèdent et quitte l’URSS avec ses parents pour s’installer en Suisse, où elle doit reprendre des études supérieures. Elle soutient sa thèse en mathématiques à L’Université de Lausanne en 1929, tandis que sa mère publie des articles dans la Gazette de Lausanne et des livres antibolcheviques sur la Russie. Dès 1929, les deux femmes résident à Neuchâtel. Dans des conditions précaires, Sophie Piccard travaille pour une compagnie d’assurances, puis pour le quotidien local. En 1936, elle commence à enseigner à l’Université de Neuchâtel qui la nomme professeure extraordinaire en 1938, avant d’accéder à l’ordinariat en 1943. Première femme de Suisse romande à obtenir ce titre, elle enseigne les mathématiques jusqu’en 1974 et devient une sommité reconnue sur le plan international.
Fonds d’archives
Fonds Sophie Piccard, Bibliothèque de la Ville, La Chaux-de-Fonds.
Fonds Eulalie Piccard, Bibliothèque nationale suisse.
Sur elle (sélection)
« Sophie Piccard », in : Pionnières et créatrices en Suisse romande XIXe et XXe siècles, Genève : Slatkine, 2004, pp. 302-305.
Moreillon, Simon, « Sophie Piccard (1904-1990) : mathématicienne passionnée », in : Tibère Adler, Verena Parzer et Claudia Wirtz (dir.), Pionnières de la Suisse moderne : des femmes qui ont vécu la liberté, Genève : Slatkine, 2014, pp. 159-163.
Zaslawsky, Sandrine, « Piccard, Sophie », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 18.01.2011. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/045160/2011-01-18/
Consulté le 26.01.2024.
Ruth Gagnebin est une pianiste neuchâteloise de renommée internationale. Elle nait en 1921 dans le quartier de Monruz à Neuchâtel. Son père, Samuel Gagnebin, est physicien et philosophe. Sa mère, Marianne Gagnebin née Maurer, est écrivaine. Dès son plus jeune âge, Ruth Gagnebin montre une grande prédisposition pour la musique et elle apprend le piano. Après avoir effectué sa scolarité à Neuchâtel, elle poursuit ses études à Zurich, Lausanne et Genève avant de séjourner quelques mois à Paris. En 1943, elle épouse Pierre Schmid avec qui elle a deux enfants. En 1968, elle donne des concerts en Suisse, en Suède, en France et à Londres. Elle joue comme soliste d’ensembles à l’Orchestre de Chambre de Lausanne, de Suisse romande ainsi qu’à l’Orchestre Philharmonique de Paris. En 1976, elle enregistre son premier disque pour lever des fonds en faveur de la Ligue genevoise contre le Cancer et la Croix-Rouge. À la fin des années soixante-dix, elle renonce définitivement à son poste de professeure de piano aux conservatoires de musique de Bienne et de Lausanne et part s’établir aux Etats-Unis. Elle reçoit par deux fois le prix de la Femme de l’année : en Angleterre en 1991 et aux États-Unis en 1994. Après une quinzaine d’années passées à l’étranger, Ruth Gagnebin-Schmid retourne en Suisse en 1996. Interprète passionnée de Liszt, Chopin ou encore Debussy, elle continue à donner des concerts. Elle compose elle-même un grand nombre de pièces qui ne seront jamais enregistrées. Artiste dévouée à son instrument, elle enregistre son dernier opus en 2003 avant de s’éteindre en 2006.
Fonds d’archives
Fonds Ruth Schmid-Gagnebin, Bibliothèque publique de Neuchâtel.
Sources
FAN, 9 mai 1949.
FAN-Express, 8 avril 1972.
Sur elle (selection)
« Ruth Schmid-Gagnebin », in : The World Who’s Who of Women, Cambridge : International Biographical Centre, 1978, p. 1040.
« Ruth Schmid-Gagnebin », in : The International Who’s who in Music and Musician’s Directory, Cambridge : International Who’s Who in Music, 1992, p. 1003.
D’origine italienne, née à Neuchâtel, Marianne Michèle Olivieri grandit dans un environnement populaire, imprégné d’idéaux pacifistes et socialistes ainsi que d’une passion pour l’opéra. Elle épouse le militant syndical Vitaliano Menghini, défenseur des droits des employé-e-s et des migrant-e-s. La famille reçoit des menaces de mort en raison de l’engagement politique de Vitaliano. Marianne Menghini se consacre à la gestion du foyer et à l’éducation de ses enfants, leur inculquant un amour profond pour la culture. Elle joue aussi un rôle crucial dans la carrière de son mari, travaillant avec dévouement comme secrétaire et copiste. Ses contributions, allant de la rédaction à l’amélioration des arguments politiques, sont essentielles au succès de leur cause. Avec son époux, elle devient l’une des figures les plus emblématiques de l’immigration italienne neuchâteloise des années 1970. En 1984, elle est élue conseillère générale à Saint-Blaise, pour le Parti socialiste. Bien qu’atteinte d’un cancer, Marianne Menghini continue de s’engager pour la cause des autres et donne des cours aux réfugié-e-s des guerres de Yougoslavie.
Sources
Interview de Mathieu Menghini, historien et animateur culturel, par Fiona Silva, 13 juin 2022.
« La Vie à peu près, Mathieu Menghini, passeur de culture », RTS, www.rts.ch/audio-podcast/2021/audio/lvap-mathieu-menghini-passeur-de-culture-25206019.html. Consulté le 30 janvier 2024.
« Hommage à Vitaliano Menghini », solidarites.ch/ne/2021/02/05/hommage-a-vitaliano-menghini-1936-2016/. Consulté le 14.1.2024.
Sur son mari et compagnon de lute (sélectioon)
Menghini, Vitaliano, « Intégra?on et droits politiques : les différents aspects de l’intégration socio-culturelle », in : Migrations et développement régional / Migrazioni e sviluppo regionale, Neuchâtel : Cahiers de I'Institut de sociologie et de science poli?que de l’Université de Neuchâtel, 1988, pp. 169 ss.
Durous, Raymond, Des Ritals en terre romande, Vevey : Editions de l’Aire, 2012, t. 2, pp. 208-215.
Née à La Chaux-de-Fonds sous le nom d’Arnold, Arlette L. ne s’identifie pas au genre masculin qui lui est assigné à la naissance. Arnold devient légalement Arlette, la première personne transgenre à procéder à une chirurgie de réassignation sexuelle dans le canton de Neuchâtel – ou du moins la première dont on possède la trace. Plusieurs médecins de l’époque tentent de faire interner Arlette L. dans un établissement psychiatrique, la considérant comme psychotique. En 1938, elle approche la Policlinique psychiatrique de Berne, exprimant le souhait de changer de genre. Les circonstances de son séjour dans ladite policlinique – et ultérieurement dans la clinique psychiatrique Waldau à Berne – demeurent inconnues. À sa sortie, elle initie une thérapie hormonale par elle-même et fait une demande de modification de sexe aux autorités bernoises, qui la déclinent. Elle décide de s’installer à Neuchâtel suite à des démêlés judiciaires et consulte de nouveau deux médecins. L’un d’eux lui impose un traitement hormonal pour lui faire accepter son sexe masculin, mais celui-ci échoue. Elle est redirigée vers Charles Wolf, médecin qui procède à des changements de sexe dès les années 1940 et qui accepte de l’opérer. En 1946, après de nombreuses années de déboires administratifs, les autorités neuchâteloises reconnaissent officiellement Arlette comme étant une femme. Les sources consultées ne nous permettent pas d'établir la suite de son parcours : on perd sa trace et son année de décès nous est inconnue.
Sur elle
Garibian, Taline, « La fabrique chirurgicale du sexe. Une histoire de la sexuation des corps trans en Suisse romande (1940-1960) », in : Helen Martin et Marta Roca i Escoda (dir.), Sexuer le corps. Huit études sur des pratiques médicales d’hier et d’aujourd’hui, Lausanne : Éditions HETSL, 2019, pp. 35-49.
Née dans une famille juive aisée à Odessa, dans l’Empire russe, Eugénie Goldstern est victime de persécutions antisémites et s’enfuit à 1908 avec sa famille à Vienne. Auditrice libre à l’Université de Vienne de 1908 à 1912, elle s’inscrit ensuite comme première femme aux études d’ethnographie à l’Université de Neuchâtel. Elle y présente une communication sur les « Mœurs et coutumes de Bessans en Savoie » lors du Congrès international d’ethnologie et d’ethnographie de 1914, résumant ses recherches sur la population alpine de Maurienne. La Grande Guerre l’oblige à interrompre son enquête en France. Son professeur Arnold Van Gennep est expulsé de Suisse par le Conseil fédéral en 1915. Goldstern s’inscrit en 1919 à l’Université de Fribourg où elle soutient en 1920 une thèse de doctorat sur Bessans, qui est imprimée à Vienne en 1922. Pionnière de l’ethnographie des Alpes, elle continue ses recherches dans l’Arc alpin, notamment le Val d’Aoste, le Valais et le Val Müstair. Des musées acceptent les objets qu’elle récolte, mais aucune institution ne lui offre d’emploi stable. Son parcours est marqué par l’antisémitisme qui s’aggrave dès la fin du XIXe siècle et culmine pendant la période nazie. En juin 1942, elle est déportée de Vienne vers les camps de la mort, dans un train à destination d’Izbica, qui parvient finalement à Sobibor. Elle meurt dans une chambre à gaz.
Fonds d’archives
Archives de l’Université de Fribourg.
Sources
FAN, 5 juin 1914.
Goldstern, Eugénie, Ethnologue de l’arc alpin : œuvres complètes, Grenoble : Musée dauphinois, 2007.
Sur elle (sélection)
« Le tragique destin d’Eugénie Goldstern », in : Universitas. Le magazine de l’Université de Fribourg 2, 2021/2022, pp. 50-53.
Chiva, Isac, « L’affaire Eugénie Goldstern : L’histoire d’une non-histoire » in : Revue des sciences sociales 31, 2003, pp. 150-157.
Lutin, Audrey et Duclos, Jean-Claude (dir.), Eugénie Goldstern (1884-1942) : être ethnologue et juive dans l’Europe alpine des deux guerres, Grenoble : Musée dauphinois, 2007.
Ottenbacher, Albert, Eugénie Goldstern. Eine Biographie, Vienne : Mandelbaum, 1999.
Née en 1949, Anne-Lise Grobéty est une écrivaine issue d’une famille ouvrière de La Chaux-de-Fonds. Elle est une des rares femmes à obtenir le Grand Prix C.F. Ramuz. Partant de l’idée d’une écriture féminine par essence différente, l’œuvre d’Anne-Lise Grobéty est habitée par des jeunes femmes en recherche d’authenticité. Après avoir obtenu en 1968 un baccalauréat, elle commence à l’Université de Neuchâtel des études de lettres qu’elle abandonne pour un stage de journalisme à la Feuille d’Avis de Neuchâtel. Elle n’a pas encore vingt ans lorsque son premier roman Pour mourir en février (1970) remporte le prix Georges Nicole et la propulse au premier plan de la scène littéraire romande. Celle qui n’est jusqu’alors que la lauréate d’un concours scolaire organisé par l’Institut neuchâtelois est soudainement adoubée par les plus célèbres écrivains romands du moment. Anne-Lise Grobéty s’engage au sein du Parti socialiste et siège comme députée du Val-de-Ruz au Grand Conseil de 1973 à 1983. Longtemps absente de la scène littéraire, elle renoue avec le succès en 1984, près de dix ans après son dernier roman, en publiant La Fiancée d’hiver, qui décroche le Prix Rambert. À partir de 2000, elle occupe un poste à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. Elle meurt en 2010 à l’âge de 60 ans des suites d’une maladie.
Fonds d’archives
Fonds Club 44, Département audiovisuel de la Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds.
Fonds Anne-Lise Grobéty, Archives littéraires suisses.
Sur elle (sélection)
Roger, Francillon (dir.), Histoire de la littérature en Suisse romande, Genève : Éditions Zoé, 2015, p. 1214, p. 1231, pp. 1420-1423, pp. 1572-1574.
Elisabeth Borel a consacré sa vie à la cause des femmes. Fille du pasteur Gustave Borel-Girard, elle obtient en 1904 une licence pour l’enseignement littéraire à l’Académie de Neuchâtel (qui deviendra université en 1909). Elle enseigne à l’école secondaire de jeunes filles à Neuchâtel de 1915 à 1938. Quand la Première Guerre mondiale éclate en 1914, elle fonde un « Ouvroir », un atelier de travail pour les femmes qui se trouvent dans des situations précaires à cause de la mobilisation de leur mari. Passionnée de montagne et de nature, elle est présidente du Club des femmes alpinistes de Neuchâtel. Membre fondatrice de l’Association des femmes universitaires neuchâteloises, elle défend les intérêts des femmes et particulièrement leur lutte pour l’éducation.
Fonds d’archives
Fonds Association neuchâteloise des femmes universitaires, Bibliothèque publique de Neuchâtel.
Sources
Feuille d'avis de Neuchâtel (FAN), 24 février 1942.
FAN, 16 décembre 1942.
FAN, 7 novembre 1955.
Isabelle de Neuchâtel nait au sein de la famille comtale de Neuchâtel. À la mort de son père Louis de Neuchâtel, resté sans héritier mâle, elle devient comtesse en s’imposant face à sa sœur cadette Varenne, qui apparait pourtant comme cohéritière dans le testament paternel. Isabelle de Neuchâtel poursuit une politique de maintien du pouvoir et agrandit son influence territoriale, notamment en dépouillant ses demi-frères bâtards des seigneuries de Rochefort et des Verrières. En 1377, elle entre en conflit avec sa belle-mère, Marguerite de Vufflens, accusée par les bourgeois de Boudry d’avoir bafoué leurs franchises. Soutenue par l’époux de sa défunte sœur, Isabelle lève une armée et assiège Boudry dont elle finit par s’emparer. En revanche, sa tentative de récupérer la seigneurie de Cerlier après la mort de son mari, le dernier comte de Nidau, échoue. Habile gouvernante, Isabelle de Neuchâtel réussit à maintenir l’unité du territoire neuchâtelois.
Fonds d’archives
Archives seigneuriales, Archives de l’État de Neuchâtel.
Sur elle (sélection)
Bartolini, Lionel, « Neuchâtel, Isabelle de », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 04.11.2010. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/044489/2010-11-04/. Consulté le 26.01.2024.
Cécile Cellier, peintre et graveuse, née à Neuchâtel en 1872, partage le destin de tant d’autres épouses de son milieu social : après son mariage – avec le célèbre écrivain Charles Ferdinand Ramuz en 1913 – elle cesse d’exister en tant qu’artiste, malgré une carrière prometteuse. Cécile Cellier passe sa petite enfance à Neuchâtel. Elle se passionne et voue son talent à la peinture dans sa jeunesse. Élève des Écoles d’Art de Genève, elle ouvre en 1897 dans cette même ville un cours de céramique, de dessin et d’aquarelles, puis des cours spéciaux pour enfants de dessin, modelage et peinture. Vers 1900, elle parvient à ouvrir son premier atelier à Genève. Elle expose ses œuvres dès la fin du XIXe siècle à Neuchâtel, Genève et Lausanne, dans des galeries et salons, mais aussi à l’exposition nationale suisse des beaux-arts en 1904. Encouragée par son succès, elle se rend à Paris, la capitale de l’art de cette période, pour se perfectionner. Pendant son séjour parisien, elle développe son art en peignant des aquarelles, des dessins et des peintures à l’huile, mais aussi en faisant de la sculpture. Elle expose en 1911 et en 1912 au Musée Rath à Genève. La peintre entre petit à petit dans les cercles intellectuels, les réunions d’artistes, de musiciens et d’amateurs, et elle y jouit d’une certaine reconnaissance. C’est au sein du cercle intellectuel de la rue Bessane à Paris, qui réunit des artistes et littéraires suisses, qu’elle rencontre Charles Ferdinand Ramuz. Ils se marient en février 1913 et leur fille unique naît la même année. Quand la Première Guerre mondiale éclate en 1914, le couple revient définitivement en Suisse. Charles Ferdinand Ramuz refuse que son épouse continue sa carrière artistique, comme il l’exprime à son ami Adrien Bovy : « […] elle ne fera plus du tout de peinture. Je lui ai acheté un livre de cuisine, avec des menus tarifés. Elle apprend à fricoter. Elle sait déjà faire le rôti de veau, le pot-au-feu et le bœuf à la mode, mais elle est encore extrêmement paresseuse... » Faisant fi de ces propos, Cécile Cellier continue de peindre, mais ses œuvres ne semblent plus avoir été exposées. Quelques-unes d’entre elles sont reproduites, notamment dans le Bulletin de la Fondation C. F. Ramuz de 1969.
Fonds d’archives
Edipresse Publications S.A, Fonds Agence Télégraphique Suisse, Archives cantonales vaudoises.
Sur elle (sélection)
Bugnion-Secretan, Perle, « Madame Ramuz, peintre et sculptrice », in : Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l’Alliance de Sociétés Féminines Suisses 77, 1989, p. 23.
Francillon, Roger, « Ramuz, Charles Ferdinand », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 26.04.2012. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016054/2012-04-26/. Consulté le 30.03.2022.
Le marché de la Place des Halles est un espace important pour la population neuchâteloise. Les maraîchères connues sous le nom de Marmettes en sont des figures emblématiques. Ce qualificatif provient du nom de famille « Marmet », jadis commun dans la région du Vully. Cette terre agricole riche, bordée par le lac de Neuchâtel et celui de Morat, voit naître et grandir une tradition maraîchère robuste, portée principalement par des femmes dévouées à la culture et à la vente des produits frais. Trois fois par semaine, que ce soit par bateau ou par camion, les Marmettes entreprennent le trajet du Vully à Neuchâtel, transportant avec elles fruits, légumes, herbes aromatiques et fleurs. Les Marmettes, en plus d’être des vendeuses, sont attachées à leur métier d’agricultrices. Leur vie s’articule autour des saisons. Les Marmettes se vouent au cycle inlassable de la semence à la récolte, assurant la qualité et la fraîcheur des produits qui finiront sur les étals du marché.
Sources :
Le National Suisse, 24 février 1903.
La Sentinelle, 7 mars 1903.
FAN, 21 juillet 1933.
FAN, 20 avril 1943.
FAN, 14 juin 1947.
FAN, 5 février 1963.
FAN, 12 janvier 1972.
FAN, 29 octobre 1976.
FAN - 3 juin 1977.
« Madame TV », Interview de Madame Treyvaud par Yvette Perrin, RTS, 24 mai 1969. https://www.rts.ch/archives/tv/divers/divers/8769942-marche-des-halles.html Consulté le 31.01.2024.
Le nom de Michèle Rubli est gravé en lettres d’or dans l’histoire du ski suisse. Très tôt, son père lui insuffle la passion du ski : la Neuchâteloise monte sur des skis dès l’âge de trois ans. Jeune adulte, elle met ses études entre parenthèses pour se consacrer à ce sport car son but est de « participer à des championnats du monde et aux Jeux Olympiques ». Elle ajoute qu’il s’agit d’« une expérience extraordinaire ». Or, elle n’est pas sélectionnée pour les championnats du monde. Durant le championnat suisse de ski alpin en 1970, elle s’impose en descente, au slalom géant et en combiné, remportant trois médailles d’or. En 1977, elle se marie avec une autre légende du ski alpin, Bernhard Russi. Trois ans plus tard, le couple accueille un fils. Michèle Rubli continue à skier. Le couple se sépare en 1984. En 1996, à Whistler Mountain au Canada, Michèle Rubli meurt sous une avalanche. Elle avait à peine 45 ans.
Sources
FAN, 6 mars 1970.
FAN, 10 mars 1970.
L’Express, 19 décembre 1996.
Marie Humbert-Droz (née Müller à Stuttgart) est une pédagogue, journaliste et fervente défenseuse des droits des femmes et de l’égalité sociale. Elle apprend plusieurs langues durant son enfance. À la fin des années 1830, elle travaille comme gouvernante aux Pays-Bas. En 1843, elle épouse l’homme politique radical Aimé Humbert-Droz, qui joue un rôle clé dans l’avènement de la République de Neuchâtel. C’est dans ce milieu politisé que Marie Humbert-Droz fait la connaissance de la féministe britannique Joséphine Butler, figure phare de la lutte pour les droits des prostituées et pour l’accès des femmes à la formation et au travail salarié. Butler les persuade, elle et son mari, de participer au Mouvement pour le relèvement moral. En 1875, Marie Humbert-Droz est nommée présidente du Comité intercantonal de dames de la Suisse. En 1877, elle participe à la fondation de l’Union internationale des Amies de la jeune fille dont elle assure la présidence jusqu’en 1878. Cette association accueille les jeunes filles qui arrivent en ville à la recherche d’un emploi, en leur offrant un logement à prix avantageux et en les aidant à trouver un travail. L’une de ses principales réalisations est la création des « Maisons Martha », des logements à bas prix destinés aux femmes. Par la suite, elle fonde à Neuchâtel La Ruche, une maison qui permet aux jeunes filles d’aller à l’école et de recevoir une éducation. Elle rédige aussi de nombreux articles pour la revue Le journal du bien public. Dans ses interventions, elle cherche à sensibiliser l’ensemble de la société à la dignité des personnes, à la justice sociale ainsi qu’à l’abolition de la prostitution.
Sources
La Suisse libérale, 19 septembre 1900.
Sur elle (sélection)
Joris, Elisabeth, « Amies de la jeune fille (AJF) », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 09.06.2022. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016501/2022-06-09/. Consulté le 10.01.2024.
Giger-Steiner, Annemarie, Hundert Jahre Freundinnen junger Mädchen Aargau (FJM), 1889-1989, s.l., s.é., 1989.
Ludi, Regula, « Humbert-Droz, Marie », in : Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), version du 16.01.2008. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/009336/2008-01-16/. Consulté le 27.01.2024.
Mesmer, Beatrix : Ausgeklammert ― Eingeklammert. Frauen und Frauenorganisationen in der Schweiz des 19. Jahrhunderts, Bale /Francfort-sur-le-Main : Helbing & Lichtenhahn, 1988.
Hürlimann, Esther; Largiadèr, Ursina et Schoeck, Luzia, Das Fräulein vom Bahnhof. Der Verein Freundinnen junger Mädchen in der Schweiz, Zurich : Hier & Jetzt, 2021.
Marianne Augustine Borel, fille d’Henri Frédéric de Couvet et de Sarah Marguerite L’Ecuyer, hérite du sens aigu des affaires de ses parents, commerçants prospères dans le domaine du vinaigre. En 1786, elle épouse le Neuchâtelois Abraham-Louis Fauche, un imprimeur proche des cercles royalistes de France et de la communauté des élites contre-révolutionnaires exilés. Elle se trouve rapidement impliquée dans la gestion de l’imprimerie et de la librairie de son mari, tout en exploitant le commerce de vinaigre familial. En l’absence fréquente de Monsieur Fauche, Marianne Fauche-Borel gère ses affaires avec habileté dès 1795. En juillet 1802, Abraham-Louis est emprisonné à Paris. Il n’est libéré qu’en 1805. Pendant cette période critique, son épouse prend fermement les rênes de l’entreprise. Elle assume la direction de l’imprimerie Fauche-Borel, située face au temple du Bas. Sous sa gouverne, l’imprimerie publie une large gamme de travaux, incluant des almanachs et la Feuille d’Avis. En 1806, l’entreprise est officiellement reconnue sous le nom de l'« imprimerie de Madame Fauche née Borel ». Toutefois, en 1814, elle vend l’imprimerie, tout en conservant la librairie adjacente. Marianne Augustine Borel reste ainsi une figure marquante de l’histoire entrepreneuriale neuchâteloise.
Sources
FAN, 2 octobre 1938.
Fauche-Borel, Louis, Mémoires, T. 1, Paris : Moutardier, 1829.
Sur elle (sélection)
Somov, Vladimir, « Pierre-François Fauche, l’imprimeur-libraire européen et ses catalogues », in : Charon, Annie ; Lesage, Claire et Netchine, Eve (dir.), Le livre entre le commerce et l’histoire des idées. Les catalogues des libraires (XVe-XIXe siècle), Paris : Publications de l’École nationale des Chartes, 2011, pp. 59-87.
Petit, Bruno, « Production francophone contre-révolutionnaire des imprimeries en Suisse, 1789-1815 », in : Annales historiques de la Révolution française 386, 2016, n°4, pp. 3-26.
Courvoisier, Jean, Monuments d’Art et d’Histoire du Canton de Neuchâtel, T.1, Bâle : Birkhäuser, 1955. pp. 396-397 et p. 399.
Ecrivaine, traductrice, critique, Monique Laederach est l'une des plus célèbres figures littéraires que le pays de Neuchâtel ait connues au XXe siècle. Fille de pasteur, née en 1938 aux Brenets, elle grandit à Serrières. Elle se consacre dès son plus jeune âge à l’écriture et à l’exercice du piano. Abandonnant le projet d’une carrière musicale en faveur de la littérature, elle s’inscrit aux universités de Neuchâtel et de Lausanne et obtient une licence en 1974. Enseignante au Gymnase Numa-Droz, elle est l’auteure de poèmes, de romans, de pièces de théâtre et d’innombrables critiques littéraires parus dans la presse de Suisse romande. Ses œuvres sont récompensées par le Prix Schiller à trois reprises : en 1977, en 1982 et en 2000. Femme de lettres engagée, Monique Laederach considère l’écriture comme outil de changement social. Par le choix notamment de ses sujets, elle affirme l’existence d’une littérature féminine. Membre du groupe d’Olten, une association littéraire progressiste créée en 1970, Monique Laederach prend position par rapport aux actualités politiques de son temps à travers de nombreuses interventions publiques. Parfaitement bilingue, elle s’engage comme intermédiaire entre l’espace culturel germanophone et francophone en traduisant des œuvres littéraires d’autres auteurs. Elle meurt en 2004 à Peseux.
Fonds d’archives
Fonds Monique Laederach, Bibliothèque publique de Neuchâtel.
Source
FAN, 12 juin 1978.
Sur elle (sélection)
Bishop, Neil, « Féminitude suisse : l’œuvre poétique et romanesque de Monique Laederach », Présence francophone 45, 1994, no° 117, pp. 117-132.
Calame, Caroline, « Monique Laederach, écrivaine, poétesse, traductrice (1938-2004) », in : Schlup, Michel (dir.), Biographies neuchâteloises, T. 5, De 1950 au seuil du XXIe siècle, Hauterive : G. Attinger, 2008, pp. 199-204.
Dubuis, Catherine, « Laederach, Monique », in : Dictionnaire historique de la Suisse(DHS), version du 10.03.2009. https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/007897/2009-03-10/. Consulté le 13.01.2024.
Janine Robert-Challandes fait partie des premières Neuchâteloises occupant des fonctions politiques après l’introduction du suffrage féminin dans le canton de Neuchâtel en 1959. Née dans une famille d’industriels horlogers de La Chaux-de-Fonds, elle y obtient en 1931 le baccalauréat littéraire au Gymnase, puis, en 1934, la licence en droit à l’Université de Neuchâtel. Enfin, deux ans plus tard, elle décroche son brevet. Consciente des discriminations subies par les femmes de son époque, Janine Robert-Challandes se consacre à la cause féministe. Avec d’autres femmes, elle fonde le bureau de consultations juridiques de l’Association suisse pour le suffrage féminin ainsi que celui de Pro Familia. Elle épouse Jean-Paul Robert, actuaire, puis directeur d’assurance, avec qui elle a quatre enfants. Ils s’installent à Berne. Quand le couple revient dans le canton en 1960, elle se lance en politique sous les couleurs du Parti libéral, devient conseillère générale (1964-1976), puis présidente du législatif de Saint-Blaise (1974-1975). De 1965 à 1981, elle est députée au Grand Conseil et œuvre en particulier pour la question de l’enfance, le travail féminin et l’égalité des chances en matière d’éducation pour les filles et les garçons. En 1975, Janine Robert-Challandes devient la première femme à présider le Grand Conseil neuchâtelois.
Fonds d’archives
Fonds Section neuchâteloise de l’Association suisse pour le suffrage féminin, Archives de l’État de Neuchâtel.
Fonds Janine Robert-Challandes, Archives de la vie ordinaire.
Sources
« Neuchâtel : Invasion féminine dans les législatifs ! », in : Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l’Alliance de Sociétés Féminines Suisses 63, 1975, no 9, p. 3.
Challandes, Janine, « Avoir confiance en notre identité et agir ! », in : Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l’Alliance de Sociétés Féminines Suisses 65, 1977, n° 9, p. 8.
Eve Yvonne Maday de Maros naît à Neuchâtel en 1913. Fille d’une mère russe enseignant à l’Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève et d’un professeur de sociologie à l’Université de Genève, originaire de Hongrie (cf. notice de Marthe de Maday), elle devient une spécialiste de la culture hindoue, et se voit confiée la création du Param Vir Chakra, la décoration militaire la plus élevée de l’Inde. Ce parcours inattendu commence sur les rives du lac Léman. La jeune femme âgée de 16 ans, rencontre Vikram Ramji Khanolkar, un militaire dans l’armée indienne en formation à l’Académie militaire royale de Sandhurst. Malgré les hésitations de sa famille, éprise d’un amour fou pour lui, elle le rejoint en Inde. Après leur mariage en 1932, elle porte le nom de Savitri Bai Khanolkar. Profondément passionnée par la culture indienne, elle apprend le marathi, l’hindi et le sanskrit, maitrise la méditation et partage les coutumes locales. Elle devient une spécialiste reconnue de la culture et de la religion hindoue. Le gouvernement indien lui demande de concevoir la plus haute récompense militaire, la Param Vir Chakra. Elle propose une médaille mettant en valeur l’histoire du grand guerrier Shivaji et son épée donnée par la déesse Bhâvanî. Ainsi, la plus haute distinction indienne, décernée depuis 1950, a été créée par une Neuchâteloise d’origine et Indienne de cœur.
Sources :
Fonds Fichier généalogique, Archives de l’État de Neuchâtel.
Sur elle :
The Tribune, 20 juin 1999.
Business Standard India, 20 juillet 2013.
« Veer Gatha : Stories of Param Vir Chakra Awardees », NCERT, 18 février 2018.
Marie Favre, née Jacot-Guillarmod, est une peintre et dessinatrice, connue surtout pour ses illustrations de livres de sciences naturelles au XIXe siècle. Elle nait en 1824 à La Chaux-de-Fonds dans une famille aisée : son père est négociant horloger. Peu de choses sont connues sur sa formation artistique, mais on suppose qu’elle développe ses talents au sein de la famille où elle bénéficie de cours de dessins privés : son frère est d’ailleurs le peintre animalier Jules Jacot-Guillarmod. En 1848, elle épouse Louis Favre, originaire de Boudry, instituteur, historien et un des fondateurs du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel. Leur unique fils nait en 1858. Marie et Louis peignent côte à côte, notamment les objets en lien avec les fouilles archéologiques menées par Édouard Desor. En effet, grâce à son sens du détail et à son habileté technique, elle excelle dans le dessin scientifique. Elle effectue d’ailleurs un grand nombre d’illustrations pour la revue de sciences naturelles fondée notamment par son mari : LeRameau de Sapin. Elle expose ses œuvres dans les salles de la Société des amis des arts à Neuchâtel, ainsi qu’à La Chaux-de-Fonds et au Locle. En 1869, Louis Favre publie un vaste ouvrage consacré aux champignons, en partie illustré par son épouse dont la contribution reste pourtant discrète. Le recueil de dessins d’oiseaux et l’ouvrage sur la flore du Jura demeurent inachevés. Engagée dans le secours porté aux soldats de l’armée du général Bourbaki, Marie Favre décède en 1871, après avoir vraisemblablement contracté la fièvre typhoïde.
Fonds d’archives
Fonds Louis Favre, Bibliothèque publique de Neuchâtel.
Sur elle (sélection) :
Blant, Jean-Daniel, « Marie Favre-Guillarmod (1824-1871), peintre et illustratrice », in : Le Rameau de sapin du Club jurassien 141, 2006, n° 3, p. 38.
Blant, Jean-Daniel, « Louis Favre 1822-1904. Témoin de son temps », in : Nouvelle Revue Neuchâteloise 83-84, 2004, 123 p.
« Marie Favre-Guillarmod », in : Le Véritable messager boiteux de Neuchâtelpour l'an 1871, Neuchâtel : Charles Lichtenhahn, pp. 41-42.